Première des choses, une évidence , de grâce ne rentrez pas dans tous ces magasins qui regorgent de chinoiseries !!! Vous ne pouvez pas trouver un masque vénitien à 5 euros ! C'est impossible de trouver des verreries de Murano bon marché ... En achetant dans ces boutiques non seulement vous nourrissez une économie parallèle et vous tuez une économie locale et responsable. Si vous n'avez pas les moyens de rapporter un souvenir alors il vaut mieux ne rien acheter... ainsi ces boutiques péricliteront et laisseront la place à des boutiques à économie durable. C'est dans le prolongement de cette idée que je souhaite vous inviter aujourd'hui à découvrir l'artisanat proposé par Michela BORTOLOZZI. Née dans la Lagune en 1986, Michela a toujours été passionnée par les voyages. Après s'être diplômée auprès de l'Istituto Universitario di Architettura di Venezia, l'une des premières écoles d'architecture d'Italie, Michela part étudier et travailler au Maroc, en Afrique du Sud... C'est à cette période qu'elle comprend l'importance de créer en étant proche des acteurs locaux, c'est d'ailleurs un point très important dans la mise en place de son projet. Lorsque Michela décide de rentrer à Venise, c'est pour raconter les histoires qu'elles a apprises, et en 2020 elle ouvre son atelier dans le Sestiere Cannaregio.

Eat and Run devient Relight Venice

Le nom provocateur que choisit Michela pour son entreprise est d'ailleurs très révélateur: Eat and Run ! C'est une invitation de CE QU'IL NE FAUT SURTOUT PAS FAIRE LORSQUE L'ON VISITE VENISE. Michela lutte contre les visites du type « Les 10 lieux que vous devez absolument voir» . Elle lutte contre les achats bon marché de produits fabriqués partout sauf en Italie. Michela veut que ses acheteurs participent au projet de sauvegarde de Venise, non pas une Venise-Musée, mais une Venise vivante, c'est pour cela qu'elle travaille avec des produits locaux, ou des matériaux recyclés qui respectent l'environnement. Mais c'est avec une note d'espoir que Michela a rebaptisé son entreprise RELIGHT VENICE avec le souhait de contribuer à « rallumer Venise » par ses créations originales, qui sont un hommage à la Serenissime, une métaphore pour qu'un tourisme équitable et responsable vienne éclairer Venise. Des bougies pour maintenir vivant l'espoir que Venise demeure une ville avec des vrais habitants, des vrais commerces et non pas une ville fantôme ou pire un parc d'attraction !

Un artisanat durable 

Michela cherche par son investissement à créer un artisanat durable et authentique . Cela passe bien entendu par les matériaux qu'elle utilise : la cire naturelle pour ses bougies, le bois qu'elle récupère auprès des derniers maitres Remers vénitiens, les matières naturelles utilisées pour ses savons: lavande, miel, myrrhe... Mais cet artisanat durable et authentique passe également par des collaborations très fortes avec des vénitiens authentiques.

Michela et les maitres remers

Pour les socles en bois de ses bougies, Michela fait appel aux derniers Maitres Remèr et récupère les chutes de bois de leurs forcole. Pour rappel, la forcola est la pierre angulaire d'une embarcation vénitienne. C'est l'élément indispensable pour ramer à la mode vénitienne et peut-être l'accessoire auquel un propriétaire d'une barque est le plus attaché. Réalisée à la main, selon des techniques très anciennes par des talentueux et habiles artisans appelés remèrs. Taillée dans une unique pièce de noyer, plus rarement de cerisier ou de poire, la forcola prend tout au long de sa fabrication des formes intrigantes et fascinantes. La forcola n'existe qu'à Venise, c'est pour cela que le métier de remèr est unique au monde, un métier qui a plus de 700 ans et nécessite beaucoup de passion, de patience, et une extraordinaire habileté manuelle pour fournir au rameur un objet non seulement esthétiquement raffiné mais également un objet techniquement parfait. Ambiances d'Italie vous propose des forcole en modèle réduit fabriquées par Piero Dri, l'un des derniers maitres remèr de Venise. Et si vous passez à Venise n'hésitez pas à venir rendre visite à Piero Dri : Il Forcolaio Matto- Ramo dell'Oca- Cannaregio 4231

Michela et Luigi Valese

Michela aurait pu choisir moins cher... et faire réaliser ces nouveaux socles en laiton sur la terre ferme ... mais quel sens cela aurait-il eu ? Michela a choisi de soutenir son territoire, ses traditions, son histoire en faisant fabriquer les socles par Luigi Valese, qui réalise dans sa fonderie les « ferri » des gondoles, les magnifiques poignées que nous avons tous photographiées un jour ou l'autre en nous promenant dans Venise, ainsi que mille autres décorations ou sculptures que nous pouvons trouver en nous perdant dans la Serenissime. Vous pouvez passer découvrir cette antique fonderie : Fonderia Artistica Valese - San Marco 793- Calle Fiubera

Un projet social

La demande croissante des produits a conduit Michela à demander de l'aide à Rio Terà dei Pensieri , association qui aide les prisonniers des prisons locales à développer des nouvelles compétences dans le but de travailler sur leur réinsertion socio professionnelle. « Il lavoro è una forma di libertà » . Ainsi depuis l'année dernière une partie de la production des bougies et des savons est faite par les femmes en détention sur l'ile de la Giudecca. « L'Orto delle Meraviglie » ( Le potager des merveilles) a été la première activité née dans l'ancien Couvent des Converties aujourd'hui l'une des quatre seules prisons italiennes pour femmes . Plus de 6.000 m2 de terrain sur lesquels sont cultivés plus de quarante variétés de légumes, fruits, fleurs, plantes sauvages et aromatiques, qui respectent l'environnement et les rythmes imposés par la nature. Pour les savonnettes lavande, miel, myrrhe et amandes utilisés pour leur fabrication sont ainsi cultivés dans le potager. Si vous souhaitez en savoir plus : https://www.rioteradeipensieri.org/

Une visite des lieux

Les bougies de Michela sont une plongée dans l'architecture de Venise... Tantôt inspirées des fenêtres en forme de fleur que l'on trouve sur la façade du Palais des Doges ou Palazzo Ducale. Ce bâtiment est situé entre le Rio della Paglia, la Piazzetta San Marco, la basilique Saint-Marc et les canaux de San Marco. Il borde l'entrée du Grand Canal, il fut la résidence officielle des doges de la République de Venise, ainsi que le lieu de représentation de ses institutions majeures. Tantôt inspirées des fenêtres en forme de fleur que l'on trouve sur la façade du Palais Ca d'oro se trouvant sur le Grand Canal, l'un des plus anciens palais vénitiens.

Pour aller plus loin

Deux dystopies en VO car non traduites malheureusement nous emmènent dans une Venise que l'on ne souhaiterait pas voir : « L'ultimo carnevale » de Paolo Malaguti et « Veniceland » de Alessandro Casagrande . Dans le premier roman d'anticipation « L'ultimo carnevale », nous sommes le 19 février 2080, jour de mardi gras, les touristes ne sont pas encore arrivés... très rapidement ils afflueront, en payant leur billet car oui c'est arrivé, Venise a été évacuée, et transformée en Venice Park , la plus pittoresque des attractions italiennes, où il n'y a plus un seul résident, seulement des visiteurs... Bien entendu une résistance s'est installée, qui voudrait voir la Cité des Doges de nouveau vivante et habitée...Le second roman « Veniceland » nous entraine également dans une Venise transformée en parc d'attraction . Un roman de politique fiction qui revisite également cinq épisodes historiques qui ont eu une raisonnante mondiale: l'effondrement du Campanile en 1902, la grande Acqua Alta de 1966, le concert des Pink Floyd en 1989, l'incendie de la Fenice en 1996 et enfin les Serenissimi de 1997 , assaut de la place San Marco par un groupe qui réclamait l'auto-dermination de la ville de Venise et plus largement de la région du Veneto. Ces deux romans sont également des guides originaux pour des millions de visiteurs qui ne se contentent pas d'assaillir Venise, mais qui désirent profondément comprendre la ville et qui l'aiment. Une librairie incroyable à Venise : Acqua Alta : C. Longa Santa Maria Formosa, 5176b, 30122 Venezia