PETITE HISTOIRE DE LA GONDOLE

La gondole: une tradition centenaire

«Élégantes embarcations à rame utilisées par les familles riches de Venise "  comme l'étaient les carrosses dans le reste de l'Italie, les gondoles suivaient la mode, jusqu'en 1609, lorsqu'un décret du Sénat impose sobriété à tous et limitation de l'utilisation des étoffes et des décorations précieuses ... c'est ainsi que les gondoles prennent leur couleur noire...pour ne plus jamais la quitter.Les gondoles sont encore fabriquées de manière artisanale, et cet article est l'occasion de rendre hommage aux Maîtres qui prennent le soin de continuer de perpétrer la tradition qui remonte au moins au XVème siècle. 

L'art de fabriquer une gondole

Pour fabriquer une gondole, de nombreux artisans doivent travailler ensemble et combiner leurs talents et leurs savoir-faire bien particuliers. Le remer s'occupe des fourches et des rames, le forgeron des ornements métalliques ( le ferri) , le tapissier du parecio (les coussins), le sculpteur des sculptures décoratives... Jusqu'à l'étape de la décoration, chacun ajoute une pièce à la célèbre embarcation Made in Venezia ! Même les magnifiques décorations dorées ont une histoire : elles sont réalisées avec des feuilles d'or fabriquées dans un atelier unique par un artisan appelé battiloro. Ces artisans sont aujourd'hui réunis dans une association « El felze » du nom de la cabine fermée qui surmontait les gondoles et permettait aux nobles d'assurer la discrétion de leurs déplacements. 

Les "squeri"

Les maitres « squerarol » sont les artisans qui réalisent la gondole à proprement parlé, dans leur ateliers appelés Squeri. La première phase de la construction des gondoles débute par le choix des planches de bois: 8 bois différents composent la gondole.Les bois reposent un an avant que ne commence la fabrication qui dure elle-même un an. C'est tout d'abord l'ossature qui marque le coup d'envoi de la construction, puis viennent les parties latérales (appelées serci), et enfin petit à petit sont réalisés les autres éléments de la structure, avant que ne soit imperméabilisée et peinte la gondole. Sur les centaines de squeri actifs dans le passé, seuls cinq sont encore opérationnels aujourd'hui. Parmi ceux-ci, le plus célèbre est sans doute le San Trovaso Squero, car c'est le seul visible uniquement de l'extérieur.

Le "ferro" de la gondole

Une partie remarquable de la gondole est le « ferro » c'est-à-dire cette pièce en fer, fabriquée par des forgerons, que l'on trouve à la proue des gondoles, dont le poids sert à contrebalancer le poids du rameur à l'arrière de l'embarcation. Mais saviez-vous que ce fer de proue revêt une symbolique très importante? En effet, la partie inférieure en forme de virgule reproduit le cours du Grand Canal; les six dents tournées vers l'extérieur correspondent aux six sestieri (quartiers) de Venise ( San Marco, San Paolo, Santa Croce, Castello, Dorsoduro et Cannaregio ), la dent tournée vers l'intérieur symbolise l'île de la Giudecca, l'extrémité supérieure symbolise le chapeau du Doge, l'arc entre cette courbe et la première barre horizontale des « dents » représentent le pont du Rialto avec juste en dessous le bassin de San Marco. Pour les trois pointes entre les dents des sestieri il semblerait qu'elles représentent les îles de Murano, Burano et Torcello. 

Les "forcole"

Enfin arrêtons-nous un instant sur les forcole, fabriquées par les « remèr » dont il ne subsiste aujourd'hui que 4 ateliers à Venise. Que sont les « forcole » ? Ce sont les points d'appui de la rame des bateaux: forcola de proue, de poupe et de côté: ce sont elles qui subissent toutes les contraintes des manoeuvres. C'est dire l'importance de ces pièces en bois, qui ont la particularité d'être taillée en fonction de la taille, de la corpulence, de la technique et du maintien sur le bateau du gondolier. Aussi artistiques soient-elles, ne nous méprenons pas, la forme des forcole ne doit rien au hasard: les échancrures sur lesquelles s'appuie le manche de la rame portent le efforts du rameur: marche avant, marche arrière, virage...tout est sur les forcole... Il faut entre 8 et 10 heures pour réaliser une rame de 4,20 mètres de long, bien souvent en hêtre ou en bois exotiques, alors qu'il faut en moyenne une trentaine d'heures de travail pour une forcola, très souvent faite à partir du bois de noyer, du poirier ou du cerisier. Une forcole bien entretenue doit durer environ une vingtaine d'années...
Le travail de remèr est un travail solitaire et manuel et pour Saverio Pastor, un des derniers maitres remèr ce qui compte le plus « è la sensibilità delle mani e l'occhio del mestiere che segue le orme di chi, prima di lui, gli ha insegnato quest'arte. » c'est à dire la sensibilité des mains et des yeux de l'artisan qui marches sur les traces de celui qui lui a enseigné cet art... Car oui, nous pouvons le dire, la forcola est bien plus qu'un objet c'est une oeuvre d'art qui porte en elle l'histoire, la culture, la tradition.

Si vous avez envie de découvrir ces artisans, en allant à Venise, sortez des sentiers battus et rendez-vous dans l'un des derniers Squeri ou partez à la rencontre d'un des derniers remèrs qui se fera un plaisir de vous parler de son art...
Et si vous souhaitez prolonger le plaisir, et participer à la sauvegarde de ces métiers, Michela Bortozzi, pour la création de ses bougies, fait appel aux maitres remèrs pour la réalisation de ses socles en bois, en utilisant les chutes de bois des forcole et en leur donnant une seconde vie. Vous trouverez également des forcole en modèle réduit fabriquées par Piero Dri, l'un des derniers maitres remèr de Venise. 

Il y avait environ 10.000 gondoles à la fin du XVIème siècle, aujourd'hui elles ne sont plus que 500... Ambiances d'Italie vous invite avec Michela à respecter Venise, et permettre que cette ville merveilleuse continue de vivre, non comme une ville-musée mais avec ses habitants qui vivent, créent et transmettent les traditions de la Sérénissime.