ROSETTA: LA REINE DES PERLES

Fille du feu, de la terre et de l'eau 

Je suis fille du feu . Née de la chaleur rassurante de la flamme et de la main légère et délicate de Marietta. À la fois alchimiste et artiste, portée par une virtuosité qu'elle tenait de son père , et par une passion créatrice dévorante , Marietta, m'a donné la vie et a fait de moi la Reine des Perles . Je suis née en 1480 et je m'appelle Rosetta. Je suis fille de la terre. Le sable est ma matière première. Les secrets de ma fabrication sont bien gardés. Souvent imitée, jamais égalée, je suis unique. Un savant mélange de sable, de composants chimiques, et de savoir-faire. Le verre de Murano a été longtemps jalousé, peut-être même source des premiers espionnages industriels.Je suis fille de l'eau, née sur une île de la lagune. Me voici enfin de retour à la maison, après des siècles d'absence . Murano est mon écrin et je retrouve mon île après un long voyage. Depuis 1291, les maîtres verriers, se sont installés sur l'île de Murano, après que de nombreux incendies ont menacé Venise . Je suis née dans une fonderie au bord de l'eau. Les hommes de la famille sont verriers à Murano depuis que l'île est ouverte aux ateliers de verre . Mon grand-père,  Angelo était un maître verrier talentueux, reconnu et apprécié. C'est à lui que l'on doit le « cristal vénitien » c'est à dire le verre complètement transparent mais également la « coupe Barovier », magnifique coupe nuptiale aujourd'hui conservée dans le Musée du verre de Murano. C'est là que je reviens après toutes ces années de pérégrination. Angelo, dont la famille est installée sur l'île depuis 1295, était un homme incroyablement moderne en plus d'être un grand artiste précurseur. Marietta était entourée par ses frères, et pourtant c'est à elle qu'Angelo choisit de révéler les secrets des techniques de la fabrication du verre, consignés dans des volumes dont elle hérita après sa mort. Marietta a contribué à la pérennité de l'entreprise familiale , recevant même du Doge Agostino Barbarigo l'autorisation d'ouvrir une fonderie. L'histoire de Marietta est une histoire d'amour pour le verre, elle ne se maria jamais, mais ses oeuvres , ses créations, sont ses enfants. Je suis la fille de Marietta. Ma robe est tricolore: rouge brique, bleu cobalt, et blanche. Le rouge du feu et de la passion, le bleu de la mer et des rêves, le blanc de l'air et de la pureté. Une étoile à douze pointes orne mon habit et me rend reconnaissable entre toutes les perles. Je suis résistante et fragile à la fois, comme les trésors que recèlent Murano et Venise, je dois être manipulée avec précaution pour ne pas redevenir poussière.

Murano

Le nom de Murano est associé depuis la nuit des temps à la fabrication du verre. Le feu et l'eau. Comme un dragon gigantesque, qui allumerait des brasiers un peu partout sur l'île. Une force occulte qui transformerait le feu en énergie vitale et en puissance créatrice. Gardien d'un trésor caché, liaison entre le ciel et la terre. L'eau est omniprésente à Murano. Les néréides sont toujours prêtes à sortir de la lagune pour éteindre l'incendie qui pourrait tout détruire. Murano est une île où la magie opère. Magie portée par les artisans qui valorisent une technique transmise de génération en génération exaltée par le feu de la passion . L'île est distante de sa grande soeur Venise, de quelques encablures. Mais lorsque les autorités demandent aux maitres verriers de quitter Venise pour s'installer à Murano, c'est une révolution. Les risques d'incendie sont la raison officielle, garantir le secret qui entoure la fabrication du verre est un argument non moins important. Seulement un kilomètre sépare Venise de Murano, distance suffisante pour empêcher que les maitres verriers ne quittent les lieux et aillent de par le monde pour diffuser leurs connaissances. Celui qui ose quitter l'île sans autorisation ne peut revenir en arrière. Est puni par la peine de mort, le maitre verrier qui ose divulguer le secret de la fabrication du verre. Un homme réussit à échapper à ce terrible destin: Gerolamo Barbarin, qui réussit à rejoindre Versailles et travaille sur la fameuse galerie des Glaces en 1675. La République de Venise le condamne à mort, mais revient sur sa décision, lorsqu'elle a vent de la renommée exceptionnelle que le maitre verrier a acquis, et qui rejaillit sur Murano. En contrepartie, les maitres verriers sont une corporation protégée. Ils peuvent porter l'épée, épouser une noble vénitienne. Marietta aime son île, elle aime le verre plus que tout encore. Elle ne veut pas quitter Murano, elle ne veut pas se marier, elle n'aura pas d'enfant, sa vie est consacrée au verre, à la création.

Fille de sang

 Un collier de perle long de quelques milliers de kilomètres sépare Murano du continent africain. Pendant des siècles , des galères quittent le Port de Venise. La Sérénissime est le point stratégique où transitent toutes sortes de marchandises, carrefour des routes commerciales reliant l'Orient à l'Occident. Vont et viennent en premier lieu le sel, mais également des tissus recherchés, de la soie, des pierres précieuses, des métaux précieux, des épices. De l'or, de l'ivoire, et des esclaves arrivent du continent africain. Les perles de Murano sont très appréciées des riches notables africains, des chefs de village. Elles deviennent monnaie d'échange. Dix perles par fil, dix fils de dix perles c'est l'unité de mesure. Combien d'hommes valent une Rosetta ? Pour combien d'esclaves m'ont-ils échangée? Une Rosetta de sept couches vaut sept hommes. Sept hommes qui partiront pour les Amériques. Sept hommes condamnés à travailler sans relâche, privés de liberté. Marietta, que font-ils de moi? Ta douce main m'a créée dans l'Amour et a fait de moi un symbole de Beauté. Les hommes assoiffés de pouvoir et d'argent font de moi un instrument de négociation. Je suis née perle, je deviens pièce. Je suis née pour parer les êtres humains et les sublimer, non pour servir leurs vils intérêts. Plus je prends de la valeur, plus je perds mon âme. Marietta, tu voulais que je fus grâce et harmonie me voilà désormais entre les mains d'hommes de peu de valeurs qui me rendent à ma condition d'objet. Je suis rouge, blanche et bleue... Rouge comme le sang des esclaves morts sous les coups de leurs tortionnaires , rouge comme la colère qui m'accable d'être devenue leur complice . Blanc, la couleur de la mort, du deuil. Les centaines de milliers de linceuls qui ne recouvriront même pas ces hommes morts sans dignité. Bleues, les mers qu'ils ont traversées, quittant leur famille, leur tribu, leur pays, leur liberté.

Le peuple Krobo

Voilà quelques décennies maintenant que j'ai rejoint la tribu du peuple Krobo. Vendue au chef du village pour quelques esclaves, je suis à mon tour devenue prisonnière, enchaînée avec d'autres perles de verre de Murano. Nous sommes jalousement conservées par la famille, un moyen d'étaler leurs richesses. Ils ont vendu leur âme. Nous étions perles, nous sommes patrimoine. Pourtant une tendresse particulière me lie à Efia, fille de Kobena et de Ama. Voilà quelques jours déjà qu'elle m'observe, me caresse, me parle. Nous partageons ensemble ses dernières heures de jeune fille, je suis celle qui l'accompagnera dans son passage à l'état de femme lors de la cérémonie du Dipo. La légende raconte qu'une femme krobo décida d'habiller sa fille avec ses plus beaux vêtements et de l'orner des plus belles perles pour lui trouver un mari. Elle était si jolie ainsi parée que tous les hommes voulaient l'épouser! Depuis le peuple Krobo a instauré cette cérémonie traditionnelle qui marque la fin de l'enfance des petites filles, leur entrée dans leur vie de femme, soumises aux hommes comme en témoignent les feuilles qui sont glissées dans leur bouche au moment de la cérémonie, pour les inviter à se taire. Dans quelques heures j'ornerai le cou d'Efia. Je serai la Reine parmi les centaines de perles qui pareront son corps. La plus précieuse, la plus ancienne... Des dizaines de colliers de perles habilleront son cou, ses poignets, ses hanches, ses mollets, ses chevilles. Rosette, Murrine, Millefiori. De mille couleurs: blanches pour symboliser la mort, et la fertilité, mort de l'enfant naissance de la femme. Le blanc de la pureté et de la virginité. Le rouge de la passion, du sang des jeunes filles arrivées à l'âge de la procréation, le jaune qui symbolise maturité et prospérité, le bleu de la tendresse. De toutes les tailles allant de quelques millimètres à quelques centimètres. Notre poids total avoisinera les dix kilos... J'accompagnerai encore Efia dans sa vie de femme. On m'attribue des pouvoirs magiques. Grâce à moi, elle sera fertile et aura de beaux enfants. J'éloignerai les mauvais esprits, je deviens porte-bonheur.

Manna-hata

Nous sommes en mai 1626 et nous venons de débarquer sur l'île de Manna-hata, l'île aux nombreuses collines. J'ai rejoint le continent qui accueille chaque année toujours plus d'esclaves, mais aujourd'hui je ne serai pas troquée contre des êtres humains. Aujourd'hui Peter Minuit rencontre Sagisgura, chef de la tribu amérindienne des Lenape. La Compagnie néerlandaise des Indes Occidentales l'a chargé d'acheter ce petit territoire pour y implanter une colonie. Encore une fois, je suis monnaie d'échange aux côtés d'une poignée de pièces espagnoles, de houes pour travailler le sol, de haches, de guimbardes musicales, et d'autres perles. Le tout pour une somme dérisoire... Et pourtant quelque chose me dit que cette fois l'homme blanc n'a pas été le plus malin. Il a fait une bonne affaire certes, mais ce territoire était-il à vendre ? Le peuple Lenape en était il propriétaire alors même que ce concept doit être bien abstrait pour un peuple nomade comme les Lenapes ! Je suis objet de curiosité pour ce peuple, je suis de nouveau admirée, je redeviens ornement, je vis le rêve américain... pour combien de temps encore ?

La Merica

Un des premiers européens à découvrir la côte est de l'Amérique est justement un italien Giovanni da Verrazzano en 1524 soit presque un siècle avant mon arrivée sur l'île de Manna-hata. C'est dans les mains d'un italien que je vais me retrouver presque trois siècles après mon arrivée en Amérique. Nombreux sont ceux qui ont fait le voyage à la recherche d'un monde meilleur. Ils sont arrivés des Pouilles, de la Basilicate, de la Calabre, de la Sicile, de la Campanie. Certains sont arrivés du Nord, du Piémont, de la Vénétie . Ils ont changé leur noms pour se fondre dans le décor: Franck, Joe, Lucky... ils sont tous venus chercher fortune, laissant en Italie leur mère, leur père, leurs frères et soeurs.
Salvatore a fait le voyage depuis Foggia. Il est parti en 1922, tout jeune marié, en promettant à sa jeune épouse de lui envoyer le prix du billet. Il a trimé pendant 5 ans, il a subi les humiliations, les insultes « assassin, mafioso ». Puis le sort a tourné. Après une partie de cartes il s'est retrouvé en possession de quelques perles précieuses de Murano qu'il a vendues pour retourner chez lui, retrouver sa femme, et le fils qu'il n'a jamais vu encore. Le fils né juste sept mois après son départ pour l'Amérique. Toutes les perles ont été revendues et sont reparties à droite à gauche, toutes sauf moi. Je redeviens porte-bonheur, portafortuna, je vais enfin rentrer chez moi après ces nombreux siècles d'errance.
Salvatore me tient fermement dans sa main en quittant ce pays qui n'a jamais été sien, dans quelques semaines il pourra serrer sa femme dans ses bras, dans quelques semaines j'ornerai le cou de Maria, la femme de Salvatore.

L'Isola del Vetro

Murano a bien changé. Je peine a reconnaître mon ile. Parmi les nombreux objets que l'on peut voir dans les dizaines de boutiques de Murano, se trouvent parfois des pâles imitations fabriquées à l'autre bout du monde. Des touristes peu regardants, se laissent attirer par des articles bon marché et de qualité médiocre. Mais il suffit de prendre le temps d'observer pour reconnaitre un article réalisé à Murano, par des artisans qui se sont transmis leur art de génération en génération, pour en créer des pièces reconnaissables entre toutes, aux couleurs incomparables. A Murano le verre est toujours présent, partout. Je suis fille du feu, de la terre et de l'eau; je porte en moi des siècles d'histoire de mon île, des artisans qui ont fait sa renommée. Je suis la fille de Marietta Barovier, je suis mère, soeur, cousine de toutes ces oeuvres d'art qui ont permis à Murano de demeurer pour l'éternité l'Isola del vetro...

AMOURRINA

A l'occasion de la 60ème Biennale d'Art de Venise, Elisa Evangelisti  a créé une collection spéciale For Art Lovers , une édition limitée de 80 perles réalisées à Murano avec des murrine vintage des années 90 avec le design iconique de la rosetta, montées sur or fin. Les créations artisanales deviennent des vraies oeuvres d'art, dans lesquelles la technique est un moyen pour arriver à la beauté. Dans un contexte d'industrialisation, d'intelligence artificielle, Amourrina se fait promoteur d'un mouvement qui oeuvre dans la continuité des principes des Arts &Crafts de William Morris et de l'école viennoise, qui voient dans le geste de l'artisan un moment unique, extraordinaire , inimitable, fruit de la connaissance et d'un savoir-faire transmis de génération en génération, à préserver et à défendre. Pour sa collection capsule "For Art Lovers", Elisa a décidé de faire appel à des personnes impliquées dans le milieu artistique, des galleristes, des mécènes, des collectionneurs, afin de donner vie à sa campagne publicitaire , dont les photos ont été prises par la photographe Cristina Spagnolo sous la direction artistique de Alessandra Cardonedont l'objectif est de soutenir le savoir faire artisanal précieux qui tend à s'éteindre. Une partie de la vente de cette collection capsule sera reversée au "Comitato per la Salvaguardia dell'Arte delle Perle di Vetro Veneziane (CPVV)" qui s'occupe précisément de la valorisation, de la transmission et de la sauvegarde de l'art.

La collection capsule en  édition  limitée  FOR ART LOVERS  est disponible sur  https://www.amourrina.com/discount/AMBIANCESDITALIE. 

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